L'homme aux rubans noirs (détails), Sébastien Bourdon (vers 1657-58), musée Fabre à Montpellier
Oeuvre

L’homme aux rubans noirs, chef-d’œuvre du portrait de Sébastien Bourdon

Chef-d’œuvre de Sébastien Bourdon (1616-1671), L’homme aux rubans noirs (1657-58) figure parmi les peintures phares du musée Fabre à Montpellier. Il demeure aujourd’hui encore l’un des portraits les plus singuliers du XVIIe siècle.

Le Crucifiement de saint Pierre, Sébastien Bourdon, (1643), cathédrale Notre-Dame de Paris
Le Crucifiement de saint Pierre, Sébastien Bourdon, (1643), cathédrale Notre-Dame de Paris
© Cathédrale Notre-Dame de Paris

Sébastien Bourdon, une grande figure de la peinture française au XVIIe siècle

Originaire de Montpellier, Sébastien Bourdon est un peintre protestant du XVIIe siècle. Fils de Marin Bourdon, maître peintre et vitrier, il se destine très tôt à une carrière de peintre et suit un apprentissage à Paris, avant d’effectuer le classique séjour à Rome. De retour en France, c’est avec son May de Notre-Dame représentant Le Crucifiement de saint Pierre (1643, cathédrale Notre-Dame de Paris) que Sébastien Bourdon s’impose comme un peintre de premier plan. Alors qu’il adoptait à l’origine une manière baroque proche de Simon Vouet (1590-1649), il se tourne finalement vers plus de classicisme au fil de sa carrière. Il regarde davantage les grands maîtres de la Renaissance, les vestiges de l’Antiquité, et la peinture de Nicolas Poussin (1594-1665). Enfin, la fondation de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (1648) à laquelle il participe lui apporte un prestige sans précédent. 

L’homme aux rubans noirs (détails), Sébastien Bourdon (vers 1657-58), musée Fabre à Montpellier, © musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / Frédéric Jaulmes

Un goût prononcé pour le portrait

Sébastien Bourdon peint essentiellement des sujets d’Histoire, genre dans lequel il est le plus sollicité. Toutefois, il laisse derrière lui une intéressante production de portraits. L’homme aux rubans noirs est l’un de ses plus beaux tableaux dans ce genre, même si l’identité du modèle est encore floue. Dans l’un de ses articles, Auguste Balluffe (1843-1900) identifie l’homme comme étant Molière, contemporain de Sébastien Bourdon, mais cette théorie est aujourd’hui rejetée. Ce tableau n’en reste pas moins un chef-d’œuvre de l’artiste. Il s’agit de l’un des plus beaux exemples du goût pour le portrait en France au XVIIe siècle. 

Dans la hiérarchie des genres, le portrait est considéré comme inférieur à la grande peinture d’Histoire. Il consiste à représenter une ou plusieurs personnes avec plus ou moins de réalisme. Certains artistes sont uniquement spécialisés dans la conception de portraits, à l’instar de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) ou de Nicolas de Largillière (1656-1746) qui répondent à une clientèle très diverse désirant immortaliser ses traits. Les commandes sont nombreuses, de fait, il est courant et apprécié de se faire portraiturer au XVIIe siècle. Néanmoins, peindre un portrait peut coûter très cher, et faire appel à un artiste demande souvent un investissement économique conséquent qui limite cette pratique aux milieux les plus aisés.

Longtemps très codifié, le portrait se déploie avec plus de variété au XVIIe siècle. Les artistes l’abordent plus librement, et Sébastien Bourdon participe à ce foisonnement. Son étude attentive de la nature humaine, son goût pour les jeux de lumière et la puissance qui se dégagent de ses portraits le distinguent dans la production artistique du XVIIe siècle. Ce sont autant de caractéristiques que nous pouvons admirer dans L’homme aux rubans noirs, aujourd’hui devenu l’un des emblèmes du musée Fabre à Montpellier.

Portrait de Charles Ier, roi d'Angleterre (1600-1649), à la chasse, peint par Anton van Dyck (vers 1635), conservé au musée du Louvre © RMN-Grand Palais et Musée du Louvre / Tony Querrec
Portrait de Charles Ier, roi d’Angleterre (1600-1649), à la chasse, peint par Anton van Dyck (vers 1635), conservé au musée du Louvre © RMN-Grand Palais et Musée du Louvre / Tony Querrec

Une peinture toute en finesse et en sobriété

Dans sa composition, Sébastien Bourdon reste fidèle à la tradition picturale instaurée par Antoon Van Dyck (1599-1641). Le personnage est debout, de 3/4 face, dans une architecture peu détaillée. Il fixe le spectateur d’un regard qui interpelle. La palette de couleur reste très sobre, avec des bruns, des noirs, des blancs sans contraste violent. La coiffure est celle de la mode de l’époque, de même que la chemise blanche proéminente qui témoigne de son haut statut social. Quant à sa peau légèrement basanée, elle indique que l’homme est originaire de Méditerranée. Le peintre rend ses chaires tangibles et donne un aspect très séduisant à cet inconnu. 

Peu d’accessoires viennent attirer l’attention. Sébastien Bourdon préfère l’économie de moyens, et met en valeur sa figure à l’aide de coloris sobre et d’une tenue simple, bien que luxueuse. Il hérite cette manière de peintre de l’artiste flamand Antoon Van Dyck qui avait pour habitude de dresser des portraits tout en élégance et simplicité. Ce qui importe à Sébastien Bourdon, c’est l’air rêveur de son modèle et la délicate mélancolie qui se dégage de lui. Avec cette œuvre, l’artiste s’impose comme un maître de la sensibilité. 

Une série de portraits peints à Montpellier

Sébastien Bourdon peint d’autres portraits similaires à L’homme aux rubans noirs dans les mêmes années. Entre autres, le grand portrait collectif des consuls, et des plus petits portraits, dont Le portrait d’homme de Chicago.  Ce portrait a probablement été exécuté dans la même période que L’homme aux rubans noirs. En outre, la composition, le coloris et le vêtement ressemblent en plusieurs points au chef-d’œuvre du musée Fabre. Dans chacun de ses tableaux, il s’attache à dépeindre avec finesse les jeux de lumière sur les tissus, les clairs-obscurs délicats et les contrastes de matière. Ce sont deux portraits que Jacques Thuillier rattache à sa production des années 1657-1658, alors que Sébastien Bourdon séjourne à Montpellier, sa ville natale. 

Bibliographie :

Site internet du musée Fabre : https://museefabre.montpellier3m.fr/lhomme-aux-rubans-noirs

Michel Hilaire, Sylvain Amic, et Jérôme Farigoule. Chefs-d’œuvre du Musée Fabre de Montpellier : Exposition Chefs-d’Œuvre du Musée Fabre de Montpellier à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne du 27 janvier au 5 juin 2006.

Alain Mérot. La peinture française au XVIIe siècle. Editions Gallimard , 1994.

Charles Ponsonailhe. Sébastien Bourdon: sa vie et son oeuvre. Réimpression de l’édition de Paris, 1993.

Jacques Thuillier. Sébastien Bourdon, 1616-1671 : catalogue critique et chronologique de l’oeuvre complet. Réunion des musées nationaux, Musée Fabre , Musées de Strasbourg, 2000.

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