Journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme
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Handicaps invisibles et culture : l’exemple du Trouble du Spectre Autistique

En cette journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, il parait utile de consacrer un article à ce trouble, qui reste aujourd’hui encore stigmatisé et mal compris. Nous l’aborderons sous l’angle précis de l’accessibilité aux lieux culturels en France, primordial dans l’accompagnement du trouble de par les qualités thérapeutiques de l’art. Cet article se veut le plus bref et synthétique possible, et ne rend donc pas compte de la richesse des actions mises en place, ni de l’étendue de la recherche actuelle. Une liste de ressources en fin d’article vous permettra d’en découvrir davantage sur le sujet.

Définition du Spectre du Trouble Autistique

En France, un million de personnes sont atteintes d’un Trouble du Spectre Autistique, et 1 enfant sur 6 serait concerné par un trouble du neuro-développement, soit un développement cérébral atypique. L’autisme implique notamment des difficultés en terme de communication qui altèrent leur vie quotidienne, leur rapport à eux-même, et leur rapport aux autres. 30% des personnes concernées par l’autisme sont également atteintes d’un autre trouble, comme le trouble de l’attention, de la mémoire, du développement intellectuel, des comportements alimentaires, ou encore du sommeil. Elles rencontrent également des difficultés sensorielles, se traduisant par une hypersensibilité au bruit, à la lumière et aux odeurs. À savoir qu’il n’existe pas une seule forme d’autisme, mais que toutes les personnes concernées développent des difficultés qui leurs sont propres, ce qui rend le trouble particulièrement complexe. Pour cette raison, le terme de « spectre de l’autisme » est employé. 

L’accessibilité dans les lieux publics

Le Trouble du Spectre Autistique est reconnu comme un handicap depuis 1996. Afin de les aider, des associations d’utilité publique comme Autisme France conçoivent des projets visant à améliorer la communication, la gestion des émotions, l’apprentissage ou l’accès au soin. L’autisme ne se guérit pas, mais il est possible de vivre avec, en bénéficiant d’un suivi adapté et en favorisant leur inclusion dans les espaces publics. Ces vingt dernières années, les établissements culturels français essayent de mieux adapter leurs espaces et de proposer des activités à destination des personnes autistes. Venir dans ces institutions représente un enjeu de taille : ce sont souvent des lieux auxquels les personnes autistes sont peu familières. De plus, les espaces sont souvent très fréquentés, bruyants et lumineux. Un trop grand nombre de données sensorielles soudaines est dès lors susceptible de perturber l’expérience de visite, voire d’y nuire totalement.

Plan sensoriel, au musée Camille Claudel
Plan sensoriel, au musée Camille Claudel

Un parcours de visite plus adapté : l’exemple du musée Camille Claudel

Pour accueillir au mieux les personnes autistes, quelques musées français ont opté pour des parcours adaptés, comme le musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine. Le parcours est expliqué dans un plan légendé, accessible sur le site internet pour que les usagers se l’approprient en amont de la visite. Deux versions sont disponibles : une pour les enfants et une pour les adultes. L’intérêt du parcours est d’identifier les salles calmes et les salles bruyantes. En anticipant au maximum les conditions de visite, l’expérience en est alors améliorée et le public peut ainsi pleinement apprécier les œuvres exposées. Même si la démarche n’est pas encore généralisé à tous les musées, d’autres exemples peuvent nous donner de l’espoir comme le Palais des Beaux-Arts de Lille et son Guide muséal pour l’accueil des personnes autistes. Conçu en collaboration avec le Dallas Museum of Art et le Musée des Beaux-Arts de Montréal, ce guide propose un large répertoire d’outils et de conseils destinés aux professionnels des musées. Il réunit entre autres un ensemble de pratiques à mettre en place pour favoriser l’inclusion des personnes autistes.

L’autisme pris en compte par les bibliothèques : l’Heure calme

En 2022, quatre bibliothèques parisiennes ont créées le dispositif des « heures calmes », visant à faciliter l’accès de leurs espaces aux personnes autistes : la bibliothèque Aimé-Césaire (14e arr.), la bibliothèque Valeyre (9e), la bibliothèque de la place des Fêtes (19e) et la bibliothèque Arthur Rimbaud (4e). Les éclairages tamisées et le silence devaient assurer de meilleure condition de visite durant une heure les mardis et vendredis. Quels sont les résultats de ce dispositif ? Difficile de le savoir tant il est compliqué de trouver des informations sur le sujet. Un bilan était pourtant prévu en mai 2022 (ndlr : si ce bilan existe et que vous y avez accès, n’hésitez pas à me le transmettre, merci beaucoup). Trois ans plus tard, il semble que le dispositif n’ait pas été reconduit. Pourtant, une évaluation du projet serait idéale pour en comprendre son efficacité et ses limites, étudier sa pérennisation et envisager une généralisation aux autres bibliothèques.

Les enjeux thérapeutiques de la culture

Ces projets, au sein des musées comme des bibliothèques, sont cardinaux car ils permettent aux institutions culturelles d’assurer leurs missions de service publique en rendant leurs collections accessibles. Il s’agit là d’enjeux sociaux-politiques importants, mais il ne faut pas non plus oublier les enjeux thérapeutiques de l’accès à la culture. En effet, plusieurs publications récentes, entre autres le rapport publié par 2019 par l’Organisation Mondiale de la Santé, soulignent qu’il peut exister des effets bénéfiques de l’art sur les malades. Pour une personne autiste, il est démontré que la lecture stimule les capacités d’apprentissage, et informe la personne des réactions possibles à certaines situations sociales. En outre, lire aide à mieux se comprendre, et à mieux comprendre le monde, d’où l’importance de l’accès aux bibliothèques, par exemple.

Quelques pistes pour améliorer l’accès à la culture

Malgré les dispositifs mis en place ces dernières années, les institutions culturelles françaises accusent toujours un certain retard sur les questions d’accessibilités, pas seulement des personnes autistes, mais de manière générale, des personnes en situation de handicap. Ce retard est d’autant plus prégnant en comparaison avec les pays anglo-saxons. Manque de sensibilisation, manque de formation, manque de financements, manque d’intérêt : les obstacles vers une meilleure compréhension et donc une meilleure inclusion de l’autisme dans les institutions culturelles sont nombreux. Toutefois, il existe plusieurs projets pour améliorer la situation, tous réunis dans la Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement. Cette stratégie entend améliorer la qualité de vie des personnes concernées. Une partie est consacrée à l’accès à la culture, et mentionne notamment la création prochaine d’un guide d’accueil et d’accessibilité des personnes autistes (pour les musées, monuments, les cinémas, les bibliothèques, les cinémas, les théâtres, etc.). Reste à savoir quelle forme prendra ce guide, si il répondra réellement aux besoins spécifiques des personnes autistes, et surtout, si il fera l’objet d’une évaluation pertinente, essentielle pour s’assurer de son efficacité et de sa pérennisation sur le long terme.

Ressources numériques

Autisme France. (https://www.autisme-france.fr/)

Bibliothèque et archives nationales du Québec, L’inclusion des personnes autistes dans les bibliothèques. (https://www.banq.qc.ca/apprendre/linclusion-des-personnes-autistes-dans-les-bibliotheques/)

Centre de Ressources Autisme Île-de-France. (https://www.craif.org/)

FRAME work, Guide muséal pour l’accueil des personnes autistes. (https://framemuseums.org/new/wp-content/uploads/2021/04/Framework1-FINAL-FRENCH-VERSION.pdf)

Handicap.gouv, 2 avril 2025 : Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. (https://handicap.gouv.fr/journee-mondiale-de-sensibilisation-lautisme-le-2-avril)

Handicap.gouv, Nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement : autisme, Dys, TDAH, TDI, 2023-2027. (https://handicap.gouv.fr/nouvelle-strategie-nationale-pour-les-troubles-du-neurodeveloppement-autisme-dys-tdah-tdi)

Maison de l’autisme. (https://maisondelautisme.gouv.fr/)

Musée Camille Claudel, Trouble du spectre de l’autisme. (https://www.museecamilleclaudel.fr/fr/tsa)

Palais des Beaux-Arts de Lille, Lancement du Guide muséal pour l’accueil des personnes autistes. (https://pba.lille.fr/Visiter/Groupe/Sante-et-Art-therapie/Lancement-du-Guide-museal-pour-l-accueil-des-personnes-autistes#:~:text=Le%20Palais%20des%20Beaux%2DArts%20est%20devenu%20un%20endroit%20où,un%20angle%20valorisant%20et%20méconnu.)

Sarah Mears, Il faut toute une communauté pour faire naître un lecteur : l’accueil des autistes en bibliothèques. (https://cnlj.bnf.fr/sites/default/files/revues_document_joint/actu_accueil_autistes_300.pdf)

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