Rue de Paris, temps de pluie, Gustave Caillebotte, 1877, Chicago, Art Institute
Articles, Artiste

Paris sous le pinceau de Gustave Caillebotte

Brillant chroniqueur de son temps, Gustave Caillebotte (1848-1894) est un artiste et mécène fortuné. Il met à profit son héritage pour collectionner les oeuvres des artistes impressionnistes, mais aussi peindre des oeuvres singulières, avec des cadrages parfois surprenants et un souci de réalisme frappant. À travers ses tableaux, il nous emmène dans le Paris de la seconde moitié du XIXe siècle, profondément remodelé par Georges Eugène Haussmann (1809-1891).

Autoportrait, Gustave Caillebotte, vers 1892, Paris, musée d’Orsay

Elève de Léon Bonnat (1833-1922), Caillebotte entre en mars 1873 à l’École des beaux-arts où il étudie brièvement. Ses tableaux sont emprunt de réalisme, autant dans ses jeux de lumière et de couleur, son sens de la perspective et son goût pour le détail. S’il pratique l’art de la peinture, et participe à plusieurs reprises aux expositions impressionnistes, il est également un grand collectionneur et mécène de son époque.

Rue Halévy, vue du sixième étage, Gustave Caillebotte, 1878, Potsdam, musée Barberini

Les vues de Paris sont récurrentes dans l’Oeuvre de Caillebotte. À plusieurs reprises, et sous divers points de vue, il immortalise les grandes avenues de la capitale qui ont vu le jour sous le Second Empire. Entre 1855 et 1870, le baron Haussmann mène de profonds travaux d’urbanisation à Paris. Ce projet permet la création de nouvelles rues, d’espaces verts, de gares, de ponts ainsi que d’égouts et de nouveaux équipements sur les monuments publics. Ce sont ces infrastructures, témoin de la modernité, que Caillebotte dépeint dans ses tableaux.

Rue de Paris, temps de pluie, Gustave Caillebotte, 1877, Chicago, Art Institute
Rue de Paris, temps de pluie, Gustave Caillebotte, 1877, Chicago, Art Institute

Certaines rues sont parfaitement identifiables. Dans Rue de Paris, temps de pluie, Caillebotte peint le quartier de l’Europe du côté de la place de Clichy. Il rend compte de la monumentalité des carrefours avec ses multiples points de fuite. Il peuple son tableau de nombreuses figures abritées sous des parapluies, à commencer par le couple qui nous fait face. Les pavés sont luisants, signe que la pluie tombe à grosses gouttes. Elle se reflète également sur la surface lisse des parapluies, et explique le choix d’une palette grisâtre. Caillebotte s’intéresse ici aux effets atmosphériques, restant fidèle à son désir de réalisme. 

Le Pont de l’Europe, Gustave Caillebotte, 1876, Genève, Petit Palais

Le Pont de l’Europe témoigne particulièrement bien de la modernité des grands travaux d’Haussmann. Ce pont métallique surplombe les voies ferrées de la Gare Saint-Lazare. Caillebotte s’applique à détailler l’assemblage des poutre de fer, toujours dans cette volonté de dépeindre avec le plus de fidélité possible les nouvelles infrastructures parisiennes. 

Peindre les rues de Paris, c’est aussi peindre les parisiens. Caillebotte s’applique à illustrer leurs activités, leurs comportements, et leur mode vestimentaire. Les hommes portent de haut couvre-chef, et les femmes se cachent du soleil derrière leur ombrelle, vêtues de robe à la mode. Les boulevards sont des lieux de sociabilité essentiels au XIXe siècle, d’autant plus après les grands travaux d’Haussmann.

Peintres en bâtiment, Gustave Caillebotte, 1877, collection particulière

 Caillebotte présente Peintres en bâtiment à la troisième exposition impressionniste, datée de 1877. Cette oeuvre nous transporte dans la rue de la Pépinière, où travaillent plusieurs ouvriers. Ils examinent la vitrine qu’ils devront prochainement repeindre. Ici, Gustave Caillebotte nous fait découvrir une autre facette de Paris, loin des élites et de leur quotidien doré. Avec ces peintres en bâtiments, l’artiste s’attachent à illustrer la réalité du quotidien, sous un temps couvert, avec son trottoir lisse et ses longues rues grises. Avec ces peintures aux sujets multiples, Gustave Caillebotte s’impose comme un merveilleux chroniqueur de son temps. 

Les peintures de rues sont également un moyen pour Caillebotte de jouer avec les règles de perspectives. Les rues s’étendent à l’horizon, et paraissent ainsi interminables. Cela nous renvoie à une citation de Victor Hugo (1802-1885) qui écrit en 1869 : « Que c’est beau, de Pantin on voit jusqu’à Grenelle ! Le vieux Paris n’est plus qu’une rue éternelle ».

Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte, 1875, Paris, Musée d'Orsay
Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte, 1875, Paris, Musée d’Orsay

Les Raboteurs de parquet est l’un des chefs-d’oeuvre les plus connus du peintre. Il nous emmène ici dans les coulisses des appartements haussmanniens. Caillebotte rend précisément compte du travail quotidien des raboteurs, en s’intéressant à leurs gestes, aux outils qu’ils utilisent, le tout avec une vue plongeante qui met en valeur le parquet sur lequel ils travaillent. La perspective coupe la fenêtre, nous apercevons à peine quelques architectures au loin. Le sujet ne porte désormais plus sur le caractère spectaculaire de l’urbanisme, mais plutôt sur les ouvriers qui concourent à créer le nouveau Paris d’Haussmann. 

Jeune homme à la fenêtre, Gustave Caillebotte, 1876, Los Angeles, J. Paul Getty Museum

Caillebotte change parfois de point de vue en présentant Paris depuis un balcon. Ce motif est récurrent dans ses oeuvres. La figure humaine est souvent isolée, contemplative face à la capitale nouvelle sous ses yeux. L’artiste introduit la psychologie dans ses peintures, et témoigne ainsi un intérêt pour ses contemporains et leur relation avec l’urbanisme.

Vue prise à travers un balcon, Gustave Caillebotte, 1880, Amsterdam, Van Gogh Museum
Vue prise à travers un balcon, Gustave Caillebotte, 1880, Amsterdam, Van Gogh Museum

Certaines vues sont plus audacieuses ; dans Vue prise à travers un balcon, les rues de Paris n’apparaissent que partiellement derrière la ferronnerie du balcon. Il s’est probablement inspiré de Pissarro, qui a lui aussi peint des oeuvres à ces vues singulières. Cette peinture de Caillebotte témoigne ainsi de sa capacité d’invention et de l’influence de ses contemporains.

Affiche de l’exposition Caillebotte, peindre les hommes, au musée d’Orsay

En octobre 2024, à l’occasion des 130 ans de la mort du peintre, le musée d’Orsay lui consacre une exposition temporaire évènement. « Caillebotte, peindre les hommes » entend explorer ses oeuvres sous un thème original, celui des figures masculines. Une merveilleuse occasion d’admirer les chefs-d’oeuvre de Caillebotte, notamment ses nombreux tableaux prêtés par des musées étrangers comme l’Art Institute de Chicago, et le J. Paul Getty Museum de Los Angeles.

Coupe de cerises, prunes et melon, peint par Louise Moillon
Articles, Oeuvre

Coupe de cerises, prunes et melon : le chef-d’œuvre de Louise Moillon

Principalement active de 1630 à 1640, Louise Moillon exécute de nombreuses natures mortes équilibrées et harmonieuses. Coupe de cerises, prunes et melon est aujourd’hui le tableau le plus connu de l’artiste et figure dans les collections du musée du Louvre. Focus sur un chef-d’œuvre de la nature morte. 

Les peintres de natures mortes à Paris au début du XVIIe siècle

Peu répandues au XVIe siècle, c’est au XVIIe siècle que se multiplient les natures mortes, tout d’abord dans les pays du nord de l’Europe, puis dans l’ouest du continent. À Paris, les peintres de nature morte se concentrent autour du pont Notre-Dame et du quartier de Saint-Germains-des-Prés. Originaires de toutes nationalités, ils répondent aux commandes d’un public principalement issu de la noblesse et de la bourgeoisie qui s’intéresse aux compositions recherchées et aux atmosphères silencieuses. Avant tout, les artistes souhaitent représenter des objets communs ou luxueux le plus fidèlement possible, le tout disposé avec une grande clarté sur la toile. Il n’y a, de fait, rien de plus vivant qu’une nature morte. 

C’est dans ce microcosme qu’évolue Louise Moillon. Elle apprend la peinture avec son beau-père, François Garnier, peintre et marchand de tableaux. Marquée par l’art nordique, elle en reprend les codes dans ses œuvres qui se veulent sobres, réalistes et équilibrées.  Elle exécute de nombreux tableaux entre 1630 et 1640, et semble arrêter de peindre après son mariage avec Etienne Girardot de Chancourt, un riche marchand exerçant à Paris. En outre, après 1640, année de ses noces, nous ne conservons plus aucune œuvre datée et signée de sa main. 

Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l'exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy
Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l’exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy

Un chef-d’œuvre d’équilibre et d’harmonie

Vers 1633, Louise Moillon conçoit la nature morte qui est aujourd’hui considérée comme son chef-d’œuvre : Coupe de cerises, prunes et melon. Peints à l’huile sur bois, des fruits sont disposés sur une table, face à un mur aux tonalités sombres. Notre regard est tout d’abord attiré par la couleur rouge et puissante des cerises, qui reposent dans un compotier de porcelaine. L’artiste s’attache à accorder chaque couleur, ainsi, notre regard passe ensuite sur les prunes aux tonalités mauves, puis sur le melon bien mûr sans heurt. Louise Moillon sait marier les couleurs avec beaucoup d’harmonie. Outre la justesse de la palette, Louise Moillon excelle dans la représentation réaliste de ses fruits. Ce réalisme est dû à une étude minutieuse des matières ainsi qu’aux jeux d’ombres et de lumière entreprise par l’artiste. 

La disposition des fruits est considérée comme archaïque. Louise Moillon déploie plusieurs espèces de fruits différents sur une table avec une vue plongeante, comme le font les artistes du nord de l’Europe depuis plusieurs décennies déjà. À ce type de composition bien connue, Louise Moillon ajoute une touche personnelle dans l’atmosphère apaisée et le calme qui se dégage de son œuvre. Ces choix esthétiques peuvent s’expliquer par la confession protestante de l’artiste. Dans la monographie consacrée à Louise Moillon, Dominique Alsina insiste sur la rigueur protestante dans laquelle elle vit et qui rejaillit dans ses tableaux.

Nature morte aux abricots, peint par Louise Moillon (1634), conservé au musée des Augustins à Toulouse © Mairie de Toulouse, musée des Augustins / Daniel Martin
Nature morte aux abricots, peint par Louise Moillon (1634), conservé au musée des Augustins à Toulouse © Mairie de Toulouse, musée des Augustins / Daniel Martin

Une production variée

De nombreuses peintures de Louise Moillon déploient cette sérénité singulière. L’artiste décline le motif des fruits, notamment les cerises, les prunes, les fraises ou encore les abricots. Chacune de ses tables servies présente ces mets avec une harmonie semblable à celle de sa Coupe de cerises, prunes et melon. Sa Nature morte aux mûres avec des abricots, peint en 1641 et conservé au musée des Augustins de Toulouse, détient notamment cette puissance chromatique additionnée à l’équilibre de la composition. 

La marchande de fruits et légumes, peint par Louise Moillon (1630), conservé au Musée du Louvre à Paris © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau
La marchande de fruits et légumes, peint par Louise Moillon (1630), conservé au Musée du Louvre à Paris © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau

Certaines de ses œuvres se veulent plus ambitieuses, à l’instar de La Marchande de fruits et de légumes, peint en 1630 et conservé au musée du Louvre, où elle peint deux figures humaines. Ainsi, Louise Moillon inclut ses fruits dans la vie quotidienne et ouvre sa peinture à la scène de genre. À nouveau, pour cette œuvre, l’artiste puise son inspiration dans la peinture hollandaise du XVIe siècle où les tableaux de marchés connaissent une large popularité. Toutefois, notons que Louise Moillon ne peint pas ses figures avec autant d’aisance que ses fruits. Les deux femmes sont dépeintes maladroitement, avec une rigidité qui les distingue des fruits près d’elles. 

Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l'exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy
Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l’exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy

La réception au XXIe siècle

L’œuvre est aujourd’hui exposée dans l’aile Richelieu du musée du Louvre, avec les peintures françaises du XVIIe siècle. Elle est également apparue dans l’une des grandes expositions temporaires de l’institution parisienne : Les Choses, une histoire de la nature morte, conçue par Laurence Bertrand Dorléac. L’huile sur bois y figurait aux côtés de chefs-d’œuvre de Lubin Baugin, de Juan Sánchez Cotán, ou encore de Clara Peeters. La peinture de Louise Moillon s’inclut parfaitement dans le propos de l’exposition, qui présente un très large panorama d’œuvres représentant des choses, ces éléments immortalisés par les artistes. Louise Moillon détient elle aussi ce don de rendre les choses vivantes, et de souligner leur charme, leur symbole et leur authenticité.

Bibliographie.

Site internet du musée du Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010066853

Site internet du musée du Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010066267

Dominique Alsina. Louyse Moillon, vers 1610-1696 : la nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné. Editions Faton, 2009.

Alain Mérot. La peinture française au XVIIe siècle. Editions Gallimard, 1994.

Eric Coatalem et Florence Thiéblot. La nature morte française au XVIIe siècle : 17th century still-life painting in France. Éditions Faton, 2014.

Laurence Bertrand Dorléac et Laurence Des Cars. Les choses : une histoire de la nature morte. Louvre éditions, 2022. 

Nicolas Milovanovic. Catalogue des peintures françaises du XVIIe siècle du Musée du Louvre. Editions Gallimard et Louvre éditions, 2021.

L'homme aux rubans noirs (détails), Sébastien Bourdon (vers 1657-58), musée Fabre à Montpellier
Oeuvre

L’homme aux rubans noirs, chef-d’œuvre du portrait de Sébastien Bourdon

Chef-d’œuvre de Sébastien Bourdon (1616-1671), L’homme aux rubans noirs (1657-58) figure parmi les peintures phares du musée Fabre à Montpellier. Il demeure aujourd’hui encore l’un des portraits les plus singuliers du XVIIe siècle.

Le Crucifiement de saint Pierre, Sébastien Bourdon, (1643), cathédrale Notre-Dame de Paris
Le Crucifiement de saint Pierre, Sébastien Bourdon, (1643), cathédrale Notre-Dame de Paris
© Cathédrale Notre-Dame de Paris

Sébastien Bourdon, une grande figure de la peinture française au XVIIe siècle

Originaire de Montpellier, Sébastien Bourdon est un peintre protestant du XVIIe siècle. Fils de Marin Bourdon, maître peintre et vitrier, il se destine très tôt à une carrière de peintre et suit un apprentissage à Paris, avant d’effectuer le classique séjour à Rome. De retour en France, c’est avec son May de Notre-Dame représentant Le Crucifiement de saint Pierre (1643, cathédrale Notre-Dame de Paris) que Sébastien Bourdon s’impose comme un peintre de premier plan. Alors qu’il adoptait à l’origine une manière baroque proche de Simon Vouet (1590-1649), il se tourne finalement vers plus de classicisme au fil de sa carrière. Il regarde davantage les grands maîtres de la Renaissance, les vestiges de l’Antiquité, et la peinture de Nicolas Poussin (1594-1665). Enfin, la fondation de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture (1648) à laquelle il participe lui apporte un prestige sans précédent. 

L’homme aux rubans noirs (détails), Sébastien Bourdon (vers 1657-58), musée Fabre à Montpellier, © musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / Frédéric Jaulmes

Un goût prononcé pour le portrait

Sébastien Bourdon peint essentiellement des sujets d’Histoire, genre dans lequel il est le plus sollicité. Toutefois, il laisse derrière lui une intéressante production de portraits. L’homme aux rubans noirs est l’un de ses plus beaux tableaux dans ce genre, même si l’identité du modèle est encore floue. Dans l’un de ses articles, Auguste Balluffe (1843-1900) identifie l’homme comme étant Molière, contemporain de Sébastien Bourdon, mais cette théorie est aujourd’hui rejetée. Ce tableau n’en reste pas moins un chef-d’œuvre de l’artiste. Il s’agit de l’un des plus beaux exemples du goût pour le portrait en France au XVIIe siècle. 

Dans la hiérarchie des genres, le portrait est considéré comme inférieur à la grande peinture d’Histoire. Il consiste à représenter une ou plusieurs personnes avec plus ou moins de réalisme. Certains artistes sont uniquement spécialisés dans la conception de portraits, à l’instar de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) ou de Nicolas de Largillière (1656-1746) qui répondent à une clientèle très diverse désirant immortaliser ses traits. Les commandes sont nombreuses, de fait, il est courant et apprécié de se faire portraiturer au XVIIe siècle. Néanmoins, peindre un portrait peut coûter très cher, et faire appel à un artiste demande souvent un investissement économique conséquent qui limite cette pratique aux milieux les plus aisés.

Longtemps très codifié, le portrait se déploie avec plus de variété au XVIIe siècle. Les artistes l’abordent plus librement, et Sébastien Bourdon participe à ce foisonnement. Son étude attentive de la nature humaine, son goût pour les jeux de lumière et la puissance qui se dégagent de ses portraits le distinguent dans la production artistique du XVIIe siècle. Ce sont autant de caractéristiques que nous pouvons admirer dans L’homme aux rubans noirs, aujourd’hui devenu l’un des emblèmes du musée Fabre à Montpellier.

Portrait de Charles Ier, roi d'Angleterre (1600-1649), à la chasse, peint par Anton van Dyck (vers 1635), conservé au musée du Louvre © RMN-Grand Palais et Musée du Louvre / Tony Querrec
Portrait de Charles Ier, roi d’Angleterre (1600-1649), à la chasse, peint par Anton van Dyck (vers 1635), conservé au musée du Louvre © RMN-Grand Palais et Musée du Louvre / Tony Querrec

Une peinture toute en finesse et en sobriété

Dans sa composition, Sébastien Bourdon reste fidèle à la tradition picturale instaurée par Antoon Van Dyck (1599-1641). Le personnage est debout, de 3/4 face, dans une architecture peu détaillée. Il fixe le spectateur d’un regard qui interpelle. La palette de couleur reste très sobre, avec des bruns, des noirs, des blancs sans contraste violent. La coiffure est celle de la mode de l’époque, de même que la chemise blanche proéminente qui témoigne de son haut statut social. Quant à sa peau légèrement basanée, elle indique que l’homme est originaire de Méditerranée. Le peintre rend ses chaires tangibles et donne un aspect très séduisant à cet inconnu. 

Peu d’accessoires viennent attirer l’attention. Sébastien Bourdon préfère l’économie de moyens, et met en valeur sa figure à l’aide de coloris sobre et d’une tenue simple, bien que luxueuse. Il hérite cette manière de peintre de l’artiste flamand Antoon Van Dyck qui avait pour habitude de dresser des portraits tout en élégance et simplicité. Ce qui importe à Sébastien Bourdon, c’est l’air rêveur de son modèle et la délicate mélancolie qui se dégage de lui. Avec cette œuvre, l’artiste s’impose comme un maître de la sensibilité. 

Une série de portraits peints à Montpellier

Sébastien Bourdon peint d’autres portraits similaires à L’homme aux rubans noirs dans les mêmes années. Entre autres, le grand portrait collectif des consuls, et des plus petits portraits, dont Le portrait d’homme de Chicago.  Ce portrait a probablement été exécuté dans la même période que L’homme aux rubans noirs. En outre, la composition, le coloris et le vêtement ressemblent en plusieurs points au chef-d’œuvre du musée Fabre. Dans chacun de ses tableaux, il s’attache à dépeindre avec finesse les jeux de lumière sur les tissus, les clairs-obscurs délicats et les contrastes de matière. Ce sont deux portraits que Jacques Thuillier rattache à sa production des années 1657-1658, alors que Sébastien Bourdon séjourne à Montpellier, sa ville natale. 

Bibliographie :

Site internet du musée Fabre : https://museefabre.montpellier3m.fr/lhomme-aux-rubans-noirs

Michel Hilaire, Sylvain Amic, et Jérôme Farigoule. Chefs-d’œuvre du Musée Fabre de Montpellier : Exposition Chefs-d’Œuvre du Musée Fabre de Montpellier à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne du 27 janvier au 5 juin 2006.

Alain Mérot. La peinture française au XVIIe siècle. Editions Gallimard , 1994.

Charles Ponsonailhe. Sébastien Bourdon: sa vie et son oeuvre. Réimpression de l’édition de Paris, 1993.

Jacques Thuillier. Sébastien Bourdon, 1616-1671 : catalogue critique et chronologique de l’oeuvre complet. Réunion des musées nationaux, Musée Fabre , Musées de Strasbourg, 2000.