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Le musée des Arts décoratifs de Strasbourg : l’éloge de l’art de vivre strasbourgeois au XVIIIe siècle

Situé au sein du Palais Rohan, dans le cœur historique de Strasbourg, le musée des Arts décoratifs expose une vaste collection consacrée aux productions strasbourgeoises des XVIIIe et XIXe siècles. La visite se déroule en deux parties : une première dans les appartements du Palais Rohan qui conservent leur décor ancien, et une deuxième dans l’aile des Arts décoratifs qui nous plonge dans l’art de vivre en Alsace.

La visite commence dans les appartements du Palais Rohan, précisément par la salle du Synode. Elle est divisée en deux espaces, d’une part la salle à manger, d’une autre la salle des gardes menant aux appartements royaux et cardinalices. Aujourd’hui vidée de son mobilier, la salle conserve toujours des natures mortes de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) évoquant l’univers de la chasse. Ce loisir est très apprécié des aristocrates et des bourgeois aisés qui n’hésitent pas à passer commande aux peintres d’animaux et de natures mortes pour orner leurs demeures de peintures liées à la chasse.

Vue de l’ancienne antichambre du roi, Palais Rohan © Troian Leroy

La salle des évêques permet de comprendre l’évolution du Palais Rohan puisqu’elle a été profondément modifiée au cours des siècles. Sous le règne de Louis XV (1710-1774), elle servait d’antichambre du roi, et occasionnellement de salle de jeux, mais elle est transformée à la Révolution française lorsque le Palais Rohan devient l’hôtel de ville. Jusque là, les peintures murales représentaient les portraits des princes-évêques. Elles ont cédé la place aux vertus civiques à la chute de l’Ancien Empire. Ce sont toujours ces vertus que les visiteurs admirent aujourd’hui.

Vue de la chambre du roi, Palais Rohan © Troian Leroy

Chef-d’œuvre du Palais Rohan, la chambre du roi incarne le goût pour le style rocaille du XVIIIe siècle. Elle accueillait le roi Louis XV lors de ses séjours à Strasbourg. La chambre a reçu un riche décor comprenant des tapisseries, des peintures murales, des glaces à la royale ainsi qu’un mobilier d’esprit rocaille.

Vue de la bibliothèque, Palais Rohan © Troian Leroy

La visite des appartements se conclue par la bibliothèque, qui conserve une riche collection de vieux livres. Cette collection est magnifiée par des tapisseries ainsi que par des copies de chef-d’œuvre de la peinture française, notamment le portrait du roi Louis XIV (1638-1715) d’après Hyacinthe Rigaud (1659-1743).

Vue de la chambre de Napoléon Ier, Palais Rohan © Troian Leroy

Une partie du Palais Rohan a conservé son apparence XIXe siècle. En outre, dès 1805, il fait office de résidence impériale pour Napoléon Ier (1769-1821). Le mobilier présent se distingue des appartements précédents ; désormais, ce n’est plus le style rocaille qui prévaut, mais le goût néoclassique avec ses formes rigoureuses et symétriques inspirées de l’Antiquité greco-romaine. Le Palais tel que nous le visitons aujourd’hui est ainsi le témoin de la succession de goût du XVIIIe siècle au XIXe siècle.

Vue de la salle de la manufacture Hannong, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Au delà des appartements du Palais Rohan se trouve l’aile des Arts décoratifs, précisément dans les anciennes écuries. L’aile présente toute la richesse de l’art strasbourgeois à partir de 1681, date à laquelle Strasbourg est rattaché au royaume de France. Le musée expose notamment la production de la manufacture de Hannong, dont les faïences sont célèbres dans toute l’Europe.

La vitrine présentant des faïences de la manufacture Hannong, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

La manufacture de Hannong connaît un essor considérable au XVIIIe siècle sous l’impulsion de la dynastie Hannong qui cherche constamment des manières innovantes de produire des faïences. Leur production est très variée, et s’inspire essentiellement des motifs de chinoiserie, de la faune et de la flore. Les pièces reçoivent une palette de couleurs raffinée permise par la cuisson de petit feu. Concernant les formes, elles sont tout aussi variées : assiettes, plats, chandelier, pot-à-oille, écuelle à bouillon ou encore terrine, destinées à occuper les tables des aristocrates alsaciens.

Les trompes-l’oeil de la manufacture Hannong, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Parmi les chefs-d’œuvre de la collection figurent notamment les terrines en trompe-l’œil, appréciées aussi bien à Strasbourg que dans le reste de la France. Elles détiennent à l’époque une place primordiale dans les arts de la table, et servent à accueillir un ragoût ou un pâté. La terrine en forme de dindon et celle en forme de chou, par exemple, sont admirable de par leur réalisme, leur coloris élégant et leur finesse d’exécution. Ce sont deux incontournables lors d’une visite au musée.

Vue du cabinet de l’hôtel Oesinger, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Les period rooms rythment la visite. Elles ont pour objectif de plonger le visiteur dans l’atmosphère des demeures bourgeoises, royales et impériales des XVIIe et XVIIIe siècles à partir de reconstitutions rigoureuses. Elles associent des boiseries peintes, du mobilier et des oeuvres d’art d’une même époque, et de même style. Le cabinet de l’hôtel Oesinger, situé à l’entrée de l’aile, témoigne des modes de vie du XVIIIe siècle, orientés vers la recherche de confort et d’intimité. Il reflète également l’adaptation des styles décoratifs parisiens à Strasbourg, à travers l’emploi de boiserie de haut-lambris et d’une cheminée surmontée d’un trumeau de glace. Concernant les oeuvres, la pièce présente entre autre une commode Louis XV produite en Alsace, un lit de repos à tapisserie au petit point ainsi qu’un portrait de Nicolas François Coligny peint par Charles Alexis Huin (1735-1786) en 1773.

Vue de la salle de l’horlogerie, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Une pièce du musée est consacrée à l’horlogerie strasbourgeoise. Elle conserve le célèbre coq provenant de la première horloge astronomique de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg datée du XIVe siècle. D’autres éléments sont quant à eux tirés de la deuxième horloge astronomique du XVIe siècle, permettant ainsi de comprendre l’évolution du savoir-faire en terme d’horlogerie.

Vue de la salle des productions d’orfèvrerie, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Autre collection clé du musée : la production d’orfèvrerie. Au XVIIIe siècle, Strasbourg s’impose comme un foyer majeur pour l’orfèvrerie qui connaît son apogée sous le règne de Louis XV. L’aristocratie et la bourgeoisie aisée se passionnent plus particulièrement pour les ustensiles destinés à la consommation du café, du thé et du chocolat, les nouvelles boissons à la mode. En parallèle des pièces d’orfèvrerie, le musée expose des dessins préparatoires, témoin privilégié des processus de création. 

Vue de la salle consacrée à la médecine moderne, aile des Arts décoratifs © Troian Leroy

Outre les Arts décoratifs, vous pourrez également découvrir des pots à pharmacie, du matériel médical ou encore une tête de phrénologie. De fait, Strasbourg connaît une intense activité médicale et scientifique au XIXe siecle. Le docteur Heiser est l’une des grandes figures de l’avènement de la médecine moderne.

Informations pratiques :

  • 2 place du château, 67000 Strasbourg
  • Palais Rohan
  • ouvert tous les jours de la semaine sauf le mardi
  • 10h-13h / 14h-18h
Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
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Réouverture du musée national de la Marine après des années de travaux

Le 17 novembre 2023, le musée national de la Marine a réouvert après six années de fermeture qui ont permis de métamorphoser ses espaces d’exposition. Les visiteurs découvrent sous un nouveau jour les collections orientées vers la mer et ses enjeux.

Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
Vue des salles d’exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy

Un long chantier de réaménagement

Situé au Palais de Chaillot de Paris, le musée national de la Marine est longtemps resté fermé afin de se mettre aux normes d’un point de vue technique et réglementaire. Les équipes en ont profité pour entièrement revoir le parcours de visite et l’offre culturelle. L’ensemble des espaces d’exposition permanents se sont transformés, conférant un nouveau souffle à l’institution. Outre les salles d’exposition, le musée a également créé de nouveaux espaces de restauration, une librairie ainsi qu’un auditorium. L’établissement s’est profondément réinventé afin d’accueillir au mieux le public.

Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
Vue des salles d’exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy

Le nouveau parcours de visite

Le musée nous propose un véritable voyage en mer à travers ses collections, aussi bien d’objets anciens que contemporains. 250 années d’histoire maritime française défilent sous nos yeux et nous rappellent qu’aujourd’hui encore, la France est une grande puissance maritime.

Le parcours de visite se construit autour de plusieurs galeries thématiques exposant près de 1000 œuvres, aussi bien des peintures, des sculptures, des arts décoratifs et des outils scientifiques. Elles racontent l’histoire de la mer, ses légendes, ses héros, le quotidien des marins et les grandes innovations techniques liées au monde maritime. Outre les œuvres, les visiteurs découvrent des vidéos de professionnels présentant leur métier, entre autres une archéologue, un sauveteur ou encore un pêcheur. Le musée de la marine place l’Homme au cœur de son nouveau parcours. 

Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
Vue des salles d’exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy

Une muséographie inspirée de la mer

La métamorphose du musée passe avant tout par sa nouvelle muséographie conçue par Casson Mann, si impressionnante qu’elle en devient elle-même une œuvre d’art à part entière. Ses formes courbes renvoient à la mer, à l’architecture navale et au mouvement de l’eau de manière à immerger le public dans la visite. Ainsi, le musée national de la Marine concilie la sensibilisation des visiteurs aux enjeux de la mer tout en l’émerveillant avec cette muséographie. 

La salle consacrée aux tempêtes est particulièrement marquante. Alors que nous approchons de l’espace, une vague se dresse face à nous, et nous invite à entrer au cœur de la tempête. La scénographie s’accompagne d’effets audiovisuels, toujours dans cette volonté d’éblouir, d’offrir une expérience multisensorielle.

Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
Vue des salles d’exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy

Un projet culturel plus inclusif

La réouverture du musée national de la Marine s’accompagne d’une offre culturelle qui se veut la plus inclusive possible. De fait, l’institution propose diverses activités, outils de visites et évènements dont l’objectif est de faire découvrir à tous ses collections et l’histoire de la marine française. De nombreux outils sont notamment mis à disposition des familles et des enfants. Le musée a créé le sac du marin, destiné aux 3-5 ans, contenant entre autres un carnet de bord et une carte qui permet aux plus jeunes de s’approprier les œuvres de manière ludique. 

Les équipes ont également œuvré pour rendre le musée plus accessible aux publics en situation de handicap mental. Ils ont créé « La Bulle », un espace consacré au récif et au corail adapté aux personnes autistes. Co-construite avec des personnes concernées, cette salle est basée sur la méthode Snoezelen, basée sur l’exploration des sens et la détente.

Vue des salles d'exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy
Vue des salles d’exposition permanentes du musée national de la Marine à Paris © Troian Leroy

Le coup de coeur de Troian : les Vues des ports de France

Les Vues des ports de France de Joseph Vernet (1714-1789), ensemble de peintures majeures du XVIIIe siècle, figurent parmi les chefs-d’œuvre clés du musée. Il s’agit de l’une des commandes royales les plus importantes du XVIIIe siècle, qui nous renseignent sur la vie quotidienne dans les ports sous le règne de Louis XV (1710-1774). Les peintures ont pour vocation d’exalter la puissance de la flotte française et la politique d’urbanisation des ports menée par le roi. En 1753, le marquis de Marigny (1727-1781), directeur des Bâtiments du roi, commande un ensemble de vingt quatre tableaux à Joseph Vernet, qui n’en exécute finalement que quinze.

Détails : L'intérieur du port de Marseille, vu du Pavillon de l'Horloge et du Parc, peint par Joseph Vernet en 1754, exposé au musée national de la Marine © Troian Leroy
Détails : L’intérieur du port de Marseille, vu du Pavillon de l’Horloge et du Parc, peint par Joseph Vernet en 1754, exposé au musée national de la Marine © Troian Leroy

Dès 1753, Joseph Vernet se déplace ainsi le long du littoral français afin d’en peindre le quotidien. Il immortalise les neuf ports suivants : Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe. Il lui faut dix années pour exécuter les quinze peintures monumentales de la série, toutes construites selon un modèle similaire. Ce sont des vues topographiques très détaillées, représentant les navires les plus performants de l’époque, mais aussi le labeur humain nécessaire au bon fonctionnement des ports : le commerce, les chantiers de construction, la pêche. Somme toute, ce sont des œuvres qui nous font voyager dans le temps.

Informations pratiques :

  • Palais de Chaillot
  • 17 place du Trocadéro, 75016 Paris
  • 11h-19h tous les jours sauf le mardi
Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy
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Visite de l’exposition « Voyage dans le cristal » au musée de Cluny

Le musée de Cluny tient ses promesses et nous emmène dans un véritable voyage à l’occasion de sa nouvelle exposition. Les commissaires, Isabelle Bardiès-Fronty et Stéphane Pennec, se sont penchés sur le cristal de roche qu’ils nous présentent en six actes chronothématiques.

Notre voyage commence à la Préhistoire, précisément au Paléolithique supérieur (19 000 – 16 500). Des objets taillés en cristal de roche ont été exhumés lors de fouilles archéologiques, comme cette feuille de laurier provenant de la grotte du Placard. Elle témoigne d’une fascination pour le cristal très tôt dans notre histoire. Elle rappelle également l’étendue des savoir-faire de l’époque solutréenne. Le cristal de roche étant très dure à tailler, il nécessite une force et une technique particulière.

Feuille de laurier, Paléolithique supérieur, Solutréen (19 000-16 000 avant notre ère), cristal de roche, conservée au Musée d'Archéologie nationale - Domaine national de Saint-Germain-en-Laye © Troian Leroy
Feuille de laurier, Paléolithique supérieur, Solutréen (19 000-16 000 avant notre ère), cristal de roche, conservée au Musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
© Troian Leroy

Puis nous arrivons dans l’Antiquité, lorsque Pline l’Ancien considère encore le cristal de roche comme de la glace. Dans son Histoire naturelle, il accorde des vertus médicinales au cristal de roche. L’ensemble du monde méditerranéen s’y intéresse, aussi bien l’Empire romain, la Grèce, l’Égypte ou encore la Mésopotamie. Les artisans fabriquent des vases, des bijoux, des rondes-bosses ainsi que des armes destinées à une élite privilégiée.

Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy
Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy

Au Moyen Âge, la fascination pour le cristal de roche s’intensifie. Les fouilles des tombes ont permis la découverte d’objets prestigieux en cristal de roche. Il gagne également les églises, où les artistes gravent des plaques de cristal de roche et y déploient des scènes de la vie du Christ. L’exposition présente également des crosses, des reliquaires, des châsses et des coffres. Outre son utilisation dans le domaine religieux, le cristal de roche occupe également les espaces de vie des princes du Moyen Âge. Sur les tables sont disposés des cuillers, des gobelets, des aiguières ou encore des coupes finement gravées. Le cristal est ainsi un fort symbole de pouvoir et de richesse.

Loin de se limiter aux productions européennes, l’exposition s’ouvre aux créations indiennes, canadiennes ou encore colombiennes. En Inde, par exemple, les artistes sculptent les dieux du Panthéon hindous. Qu’importe le foyer artistique, le cristal revêt toujours des vertus prophylactiques. 

Melancolia I, Albrecht Dürer (1514), gravure au burin, conservé au Musée du Louvre © Troian Leroy
Melancolia I, Albrecht Dürer (1514), gravure au burin, conservé au Musée du Louvre © Troian Leroy

Notre voyage se poursuit toujours chronologiquement à la Renaissance, moment majeur de l’Histoire de l’art où les peintres et les graveurs s’approprient à leur tour le cristal de roche. Albrecht Dürer (1471-1528) explore les volumes en facette comme dans son chef-d’œuvre Melancholia I (1514). Le polyèdre à l’arrière plan est à la fois une allusion au cristal et à la météorite tombée près de Bâle en 1492.

Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy
Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy

Dans l’espace dédié au XIXe siècle, le visiteur découvre les voyages scientifiques et les grandes découvertes qui marquent cette période. Le cristal de roche fait alors l’objet de recherche et d’enseignement approfondi. Les artistes partent en expédition à la montagne comme Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) qui dessine à plusieurs reprises les reliefs des glaciers, semblables aux volumes du cristal de roche.

Au XXe siècle, les cubistes, adeptes des formes géométriques, sont eux aussi fascinés par l’anatomie et la transparence cristal. Dans leurs œuvres, ils combinent les cubes aux contours parfaitement délimités dans des constructions abstraites. Les photographes se prêtent également aux jeux avec des cadrages et des lumières inspirés de la forme et de l’éclat du cristal.

Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy
Vue de l’exposition Voyage dans le cristal au musée de Cluny en octobre 2023 © Troian Leroy

L’exposition se conclut à l’étage du musée dans une salle consacrée à l’art contemporain. Le musée de Cluny recoupe ainsi toutes les périodes de l’Histoire de l’art, des feuilles de laurier préhistoriques aux créations les plus récentes, plus précisément une installation de l’artiste Patrick Neu créée à l’occasion.

En résumé, le musée de Cluny signe l’une de ses plus belles expositions. Ses grandes forces résident dans sa scénographie originale qui nous immerge pleinement dans le sujet, ainsi que dans la très riche variété d’œuvres présentées. Explorer le cristal de manière chronothématique est un autre point positif, puisque cela rend compte de la très longue fascination des Hommes pour le cristal, tout en soulignant la richesse de symboles qui se cachent derrière ce matériau. Dernière grande qualité de l’exposition : elle multiplie les points de vues, autant celui de l’Histoire de l’art, de l’histoire, de la religion ainsi que des sciences, offrant au visiteur un aperçu le plus complet possible sur le cristal.

Aphrodite accroupie, IVe-Ier siècle avant notre ère, Grèce hellénistique ou Rome, cristal de roche, conservé au J. Paul Getty Museum à Los Angeles © Troian Leroy
Aphrodite accroupie, IVe-Ier siècle avant notre ère, Grèce hellénistique ou Rome, cristal de roche, conservé au J. Paul Getty Museum à Los Angeles © Troian Leroy

Le coup de cœur de Troian

L’Aphrodite accroupie, située dans le premier espace de l’exposition, est de loin l’œuvre qui m’a laissée la plus forte impression. Son éclat et sa transparence marquent un contraste saisissant avec la scénographie obscure qui l’entoure. Pourtant, l’iconographie est assez courante. Il existe de très nombreuses représentations d’Aphrodite datant de l’Antiquité. La déesse de la beauté et du plaisir attise la créativité, et les artistes cherchent toujours de nouvelles idées pour sculpter son corps en mouvement. Cette Aphrodite accroupie nous plonge dans l’intimité de la déesse qui s’adonne à sa toilette. L’œuvre multiplie les références à l’eau, non seulement à travers le cristal de roche, à travers les origines de la déesse – née dans les flots, près de l’île de Cythère – ainsi qu’à travers la toilette. Cette statuette est une très belle découverte parmi les nombreux autres chefs-d’œuvre que présente le musée de Cluny dans son exposition.

Informations pratiques :

  • Du 26 septembre 2023 au 14 janvier 2024
  • Musée de Cluny – musée national du Moyen Âge
  • 28 rue du Sommerard, 75005 Paris
  • https://www.musee-moyenage.fr
Hakanai Sonzai #4 © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
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Visite de l’exposition « Portrait éphémère du Japon – photographies de Pierre-Elie de Pibrac » au musée Guimet

Cet automne, le musée Guimet met à l’honneur la toute dernière série de photographies de Pierre-Elie de Pibrac, « Hakanai Sonzai » (traduction : Je me sens moi-même une créature éphémère), réalisée lors d’un long séjour au Japon. L’exposition immersive nous plonge dans le quotidien du pays du soleil levant.

Un panorama du Japon contemporain

Ce projet immersif mené par Pierre-Elie de Pibrac est le résultat de plusieurs années de maturation. Il a passé huit mois au Japon pour réaliser sa série de photographies, comprenant des paysages, des portraits et des scènes de la vie quotidienne. L’artiste opte pour des formats variés, du plus petit cliché à la photographie monumentale, parfois en couleurs, ou bien en noir et blanc, en argentique ou en numérique. Il donne ainsi un large panorama du Japon, où la nature détient une place centrale.

Vue de l'exposition Portrait éphémère du Japon au musée Guimet en septembre 2023
Vue de l’exposition Portrait éphémère du Japon au musée Guimet en septembre 2023 © Troian Leroy

Découvrir le Japon à travers des expériences singulières

Pierre-Elie de Pibrac s’intéresse aux personnes qui n’ont pas toujours l’occasion de s’exprimer. À travers l’exposition, il leur propose de partager leur expérience, de montrer comment ils cherchent leur voie au Japon, au sein d’une société profondément collective où il peut être difficile d’affirmer son identité. Pierre-Elie de Pibrac se plonge dans leur intimité, leur quotidien et leurs peurs de sorte à mieux comprendre la société japonaise.

Hakanai Sonzai #6
© photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Hakanai Sonzai #6 © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.

Cuba, Tokyo et Israël

Ce travail s’inscrit dans une trilogie. En effet, l’artiste a réalisé une première série de photographies à Cuba, et une troisième série clôturera cette trilogie en Israël à partir de 2024. Pour chacune de ses séries, Pierre-Elie de Pibrac part avec sa famille pour vivre aux côtés de ses modèles, et entretient une correspondance riche et abondante sur de longs mois. Il crée ainsi un lien de confiance avec eux.

Par exemple, il a vécu avec Tukuya, que vous découvrirez en détail dans le premier espace de l’exposition. Tukuya a survécu à Fukushima et évoque avec Pierre-Elie de Pibrac le déracinement qu’il a vécu après la catastrophe. L’exposition est enrichie par des témoignages audio de Tukuya, donnant au visiteur le sentiment d’être en sa présence.

Vue de l'exposition Portrait éphémère du Japon au musée Guimet en septembre 2023
Vue de l’exposition Portrait éphémère du Japon au musée Guimet en septembre 2023 © Troian Leroy

Une belle programmation, une immersion réussie, mais trop peu de texte

La programmation autour de l’exposition est l’un des points forts. Le musée propose des visites guidées ainsi qu’une rencontre avec Pierre-Elie de Pibrac, qui aura lieu le 18 novembre 2023. Les équipes du musée ont également créé plusieurs podcasts en collaboration avec l’artiste. Il sont disponibles grâce aux QR code placés au fil du parcours de visite.

L’aspect immersif de l’exposition est un autre point très appréciable qui nous permet de découvrir le Japon d’une nouvelle manière. L’immersion est permise par la dimension monumentale des photographies et par les dispositifs audio qui leur sont associés. Plus qu’une exposition de photographies, c’est un véritable voyage au Japon que nous propose Pierre-Elie de Pibrac et le musée Guimet. 

Toutefois, assez peu de texte accompagne les photographies tout au long de l’exposition. Le livret offre des explications intéressantes, mais davantage de médiation écrite aurait été appréciable, notamment pour présenter plus en profondeur les photographies.

Hakanai Sonzai #2
© photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.
Hakanai Sonzai #1 © photographie Pierre-Elie de Pibrac, Courtesy Galerie Anne-Laure Buffard Inc.

Le coup de cœur de Troian

De toute l’exposition, la photographie qui m’a le plus marquée est « Hakanai Sonzai #1 ». Elle évoque la sensation de solitude et de dépaysement. La figure blanche qui se détache dans ce paysage boisé s’apparente à une apparition fantomatique qui interpelle le visiteur. Avec cette œuvre, Pierre-Elie de Pibrac rappelle l’omniprésence de la nature dans la société japonaise. Une nature à la beauté troublante, mais fragile, où la notion d’éphémère est fondamentale.

Informations pratiques

Du 30 septembre 2023 au 15 janvier 2024

Musée national des arts asiatiques – Guimet

6 place d’Iéna 75116, Paris

Dans la rotonde du deuxième étage

Affiche de l'exposition Allegoria, les clés de la symbolique baroque © Domaine de Sceaux
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10 expositions à découvrir durant l’automne 2023

L’automne revient enfin et apporte avec lui de nouvelles expositions à visiter partout en France et à l’international ! Découvrez dans cet article une sélection de dix expositions temporaires à ne surtout pas rater ces prochains mois.

Affiche de l'exposition Allegoria, les clés de la symbolique baroque © Domaine de Sceaux
Affiche de l’exposition « Allegoria, les clés de la symbolique baroque » © Domaine de Sceaux

Domaine départemental de Sceaux, Allégorie, les clés de la symbolique baroque

Cet automne, le domaine départemental de Sceaux vous propose de découvrir le Grand Siècle sous l’angle des allégories. De fait, au XVIIe siècle, les artistes français dépeignent dans leurs œuvres des symboles sous la forme d’animaux, de coquillages ou encore de monuments. Le parcours de visite a pour objectif de mieux comprendre ces symboles en présentant une grande variété de peintures conservées dans divers musées : les Beaux-Arts de Rennes, de Quimper, de Tours et ‘d’Orléans, ainsi que le musée du Grand Siècle et des Archives des Hauts-de-Seine. 

Informations pratiques :

  • Du 15 septembre au 14 janvier 2024
  • Domaine départemental de Sceaux
  • 8 avenue Claude-Perrault, 92230 Sceaux
  • Tous les jours sauf le lundi de 14h à 18h30
Affiche de l'exposition Mari en Syrie, renaissance d'une cité au IIIe millénaire © Musée royal de Mariemont
Affiche de l’exposition « Mari en Syrie, renaissance d’une cité au IIIe millénaire » © Musée royal de Mariemont

Domaine et Musée royal de Mariemont, Mari en Syrie, Renaissance d’une cité au IIIe millénaire

Coproduite avec le musée du Louvre et la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, cette exposition nous emmène à Mari, illustre cité mésopotamienne située dans l’actuelle Syrie. Le parcours retrace l’histoire des fouilles archéologiques qui ont permis d’exhumer de multiples trésors depuis plus de 100 ans. De nombreux objets sont ainsi exposés au sein du musée royal de Mariemont : des tablettes cunéiformes, des photographies, des archives ainsi que des films documentaires. Ils sont essentiellement liés aux temples et au Grand palais royal, dont le rôle était central au sein de la cité. Les visiteurs auront notamment l’occasion d’admirer le célèbre lion de Mari, prêté par le musée du Louvre. 

Informations pratiques :

  • Du 16 septembre 2023 au 7 janvier 2024
  • Domaine et Musée royal de Mariemont
  • 100 chaussée de Mariemont, 7140 Morlanwelz, Belgique
  • Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h/18h
Affiche de l'exposition Portrait éphémère du Japon © Musée national des arts asiatiques Guimet
Affiche de l’exposition « Portrait éphémère du Japon » © Musée national des arts asiatiques Guimet

Musée Guimet, portrait éphémère du Japon, photographies de Pierre-Elie de Pibrac

Cet automne, le musée Guimet vous fait voyager au Japon sans même quitter Paris avec sa toute nouvelle exposition. Elle met à l’honneur une série de photographies réalisée par Pierre-Elie de Pibrac (né en 1983), qui regroupe tout un ensemble de portraits, de paysages et de natures mortes en couleurs, ou en noir et blanc. Il immerge le spectateur dans l’impertinence et la singularité de la culture japonaise à travers des échanges avec ses modèles : yakuza, rescapés de Fukushima, ou encore hikikomori. 

Informations pratiques :

  • Du 20 septembre 2023 au 15 janvier 2024
  • Musée national des arts asiatiques – Guimet
  • 6 place d’Iéna 75116, Paris
  • Tous les jours sauf le mardi, 10h-18h
« Voyage dans le cristal » © Musée de Cluny

Musée de Cluny, Voyage dans le cristal à Paris

Le musée de Cluny a réuni près de 200 biens culturels de la Préhistoire à nos jours liés par une même thématique : notre fascination pour le cristal. Afin de mieux comprendre cette fascination, l’exposition revient sur ses valeurs symboliques, ses pouvoirs spirituels et magiques, ainsi que son intérêt scientifique. L’exposition nous fait voyager à travers les époques et s’achève notamment sur une installation d’un artiste contemporain, Patrick Neu (né en 1963), qui a exécuté l’œuvre sur mesure pour l’exposition. 

Informations pratiques

  • Du 26 septembre 2023 au 14 janvier 2024
  • Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge
  • 28 rue du Sommerard, 75005, Paris
  • Ouvert tous les jours sauf le lundi de 9h30 à 18h15
Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété, Noël Coypel (vers 1672-73) © Château de Versailles, RMN / Christophe Fouin
Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété, Noël Coypel (vers 1672-73) © Château de Versailles, RMN / Christophe Fouin

Château de Versailles, Noël Coypel, peintre de grands décors

Le château de Versailles célèbre le fondateur de la dynastie Coypel, Noël Coypel, en réalisant la toute première rétrospective qui lui est entièrement destinée. Encore peu connu du grand public, il est pourtant un peintre de grands décors majeurs au XVIIe siècle, et a notamment exécuté plusieurs peintures au château de Versailles, au parlement de Rennes ou encore aux Invalides. Pour bien appréhender son Œuvre, le château de Versailles a sélectionné 90 créations de l’artiste, comprenant des peintures, des dessins et des cartons de tapisserie. De plus, le choix de la salle d’exposition n’est pas laissé au hasard, puisqu’il s’agit de la salle des gardes de la Reine dont le décor peint est signé Noël Coypel.

Informations pratiques

  • Du 26 septembre 2023 au 28 janvier 2024
  • Château de Versailles
  • Place d’Armes, 78000 Versailles
  • Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 9h à 18h30
Affiche de l'exposition "Animaux fantastiques" © Musée du Louvre Lens
Affiche de l’exposition « Animaux fantastiques » © Musée du Louvre Lens

Musée du Louvre-Lens, les animaux fantastiques

Plongez dans l’univers des créatures fantastiques cet automne au musée du Louvre-Lens. L’exposition est consacrée aux origines, aux légendes et aux symboles de ces animaux fabuleux. Ils fascinent, attirent, ou terrifient, et font tous parties de notre imaginaire merveilleux. Le parcours thématique présente 250 œuvres d’art provenant du monde entier, de la Mésopotamie en passant par la Chine, la France ou encore l’Angleterre. Une programmation culturelle accompagne d’ailleurs l’exposition : cinéma, musique, spectacles, conférences, qui permettent de prolonger l’expérience. Pour les enfants, des livrets sont aussi mis à disposition sous la forme d’un « livre dont tu es le héros ou l’héroïne ».

Informations pratiques

  • Du 27 septembre 2023 au 15 janvier 2024
  • Musée du Louvre-Lens, à Lens
  • 99 rue Paul Bert, 62300, Lens
  • Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h
Affiche de l'exposition Flower Power © Musée des impressionnismes à Giverny
Affiche de l’exposition « Flower Power » © Musée des impressionnismes à Giverny

Musée des impressionnismes à Giverny, Flower Power

En collaboration avec la Kunshalle München, le musée des impressionnismes s’intéresse au pouvoir des fleurs. Dans l’exposition, les visiteurs découvriront ce thème à travers les œuvres de grands maîtres de la peinture comme Claude Monet, Edouard Manet, Gustave Caillebotte et Paul Cézanne, ainsi que des sculptures, des estampes, ou encore des robes d’Yves Saint Laurent. Cette large sélection d’œuvres nous embarque dans l’esthétique particulière des fleurs ainsi que les symboles qui leur sont rattachés. 

Informations pratiques :

  • Du 29 septembre 2023 au 7 janvier 2024
  • Musée des impressionnismes
  • 99 rue Claude Monet, 27620 Giverny
  • Tous les jours de 10h à 18h
Portrait de l’artiste, Vincent van Gogh, (1889), musée d’Orsay © musée d’Orsay, RMN / Patrice Schmidt

Musée d’Orsay, Van Gogh à Anvers sur Oise

Au musée d’Orsay, vous découvrirez la première exposition revenant sur la toute fin de carrière de Vincent Van Gogh. Il réside alors à Auvers-sur-Oise où il renouvelle son style au contact des paysages de la région parisienne. Le musée d’Orsay, en collaboration avec le musée Van Gogh d’Amsterdam, souhaite dévoiler au public cette période particulière de la carrière de Vincent van Gogh à travers une quarantaine de peintures et une vingtaine de dessins, aussi bien des portraits, des paysages ou encore des natures mortes. 

Informations pratiques :

  • Du 3 octobre 2023 au 4 février 2024
  • Musée d’Orsay
  • Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
  • Tous les jours sauf le lundi, de 9h30 à 18h
Au Bal, Berthe Morisot (1875), musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet, Paris
Au Bal (détails), Berthe Morisot (1875), musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet, Paris

Musée Marmottan-Monet, Berthe Morisot et le XVIIIe siècle

Figure majeure de l’impressionnisme en France, illustrant avec finesse la vie moderne en France au XIXe siècle, Berthe Morisot s’est beaucoup inspirée des artistes du XVIIIe siècle. Le musée revient sur cette inspiration, et sur l’influence des maîtres français dans son œuvre. Ainsi, ses tableaux sont mis en parallèle avec ceux d’Antoine Watteau, de François Boucher ou encore de Jean-Honoré Fragonard. Ces comparaisons sont appuyées par la présentation de la correspondance et des carnets de notes de Berthe Morisot. Au fil de la visite, nous pourrons admirer des œuvres provenant d’institutions internationales, comme la Femme à sa toilette de Berthe Morisot (vers 1875) conservé à l’Art Institute of Chicago ou la Jeune Femme arrosant un arbuste, également peint par Berthe Morisot (1876), et conservé au Virginia Museum of Fine Arts. 

Informations pratiques :

  • Du 18 octobre 2023 au 10 mars 2024
  • Musée Marmottan-Monet
  • 2 rue Louis Boilly, 75016 Paris
  • Tous les jours sauf le lundi, de 10h à 18h
"A portée d'Asie" © musée des Beaux-Arts de Dijon
« A portée d’Asie » © musée des Beaux-Arts de Dijon

Musée des Beaux-Arts de Dijon, A portée d’Asie

Le musée des Beaux-Arts de Dijon, en partenariat avec l’Institut National de l’Histoire de l’art, présente l’art de collectionner les arts asiatiques en France.  Depuis les collections royales au XVIIIe siècle jusqu’à l’accélération des échanges au XIXe siècle, les deux institutions explorent la présence des œuvres asiatiques dans les collections et l’influence qu’elles ont sur les productions artistiques en France. Plus de 300 biens culturels sont exposés à cette occasion :  ivoires, porcelaines, estampes, manuscrits, masques provenant de Chine, du Japon, de Corée et du Cambodge.

Informations pratiques

  • Du 20 octobre 2023 au 22 janvier 2024
  • Musée des beaux arts de Dijon
  • 1 rue rameau, 21000 Dijon
  • Tous les jours sauf le lundi de 9h30 à 18h
Coupe de cerises, prunes et melon, peint par Louise Moillon
Articles, Oeuvre

Coupe de cerises, prunes et melon : le chef-d’œuvre de Louise Moillon

Principalement active de 1630 à 1640, Louise Moillon exécute de nombreuses natures mortes équilibrées et harmonieuses. Coupe de cerises, prunes et melon est aujourd’hui le tableau le plus connu de l’artiste et figure dans les collections du musée du Louvre. Focus sur un chef-d’œuvre de la nature morte. 

Les peintres de natures mortes à Paris au début du XVIIe siècle

Peu répandues au XVIe siècle, c’est au XVIIe siècle que se multiplient les natures mortes, tout d’abord dans les pays du nord de l’Europe, puis dans l’ouest du continent. À Paris, les peintres de nature morte se concentrent autour du pont Notre-Dame et du quartier de Saint-Germains-des-Prés. Originaires de toutes nationalités, ils répondent aux commandes d’un public principalement issu de la noblesse et de la bourgeoisie qui s’intéresse aux compositions recherchées et aux atmosphères silencieuses. Avant tout, les artistes souhaitent représenter des objets communs ou luxueux le plus fidèlement possible, le tout disposé avec une grande clarté sur la toile. Il n’y a, de fait, rien de plus vivant qu’une nature morte. 

C’est dans ce microcosme qu’évolue Louise Moillon. Elle apprend la peinture avec son beau-père, François Garnier, peintre et marchand de tableaux. Marquée par l’art nordique, elle en reprend les codes dans ses œuvres qui se veulent sobres, réalistes et équilibrées.  Elle exécute de nombreux tableaux entre 1630 et 1640, et semble arrêter de peindre après son mariage avec Etienne Girardot de Chancourt, un riche marchand exerçant à Paris. En outre, après 1640, année de ses noces, nous ne conservons plus aucune œuvre datée et signée de sa main. 

Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l'exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy
Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l’exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy

Un chef-d’œuvre d’équilibre et d’harmonie

Vers 1633, Louise Moillon conçoit la nature morte qui est aujourd’hui considérée comme son chef-d’œuvre : Coupe de cerises, prunes et melon. Peints à l’huile sur bois, des fruits sont disposés sur une table, face à un mur aux tonalités sombres. Notre regard est tout d’abord attiré par la couleur rouge et puissante des cerises, qui reposent dans un compotier de porcelaine. L’artiste s’attache à accorder chaque couleur, ainsi, notre regard passe ensuite sur les prunes aux tonalités mauves, puis sur le melon bien mûr sans heurt. Louise Moillon sait marier les couleurs avec beaucoup d’harmonie. Outre la justesse de la palette, Louise Moillon excelle dans la représentation réaliste de ses fruits. Ce réalisme est dû à une étude minutieuse des matières ainsi qu’aux jeux d’ombres et de lumière entreprise par l’artiste. 

La disposition des fruits est considérée comme archaïque. Louise Moillon déploie plusieurs espèces de fruits différents sur une table avec une vue plongeante, comme le font les artistes du nord de l’Europe depuis plusieurs décennies déjà. À ce type de composition bien connue, Louise Moillon ajoute une touche personnelle dans l’atmosphère apaisée et le calme qui se dégage de son œuvre. Ces choix esthétiques peuvent s’expliquer par la confession protestante de l’artiste. Dans la monographie consacrée à Louise Moillon, Dominique Alsina insiste sur la rigueur protestante dans laquelle elle vit et qui rejaillit dans ses tableaux.

Nature morte aux abricots, peint par Louise Moillon (1634), conservé au musée des Augustins à Toulouse © Mairie de Toulouse, musée des Augustins / Daniel Martin
Nature morte aux abricots, peint par Louise Moillon (1634), conservé au musée des Augustins à Toulouse © Mairie de Toulouse, musée des Augustins / Daniel Martin

Une production variée

De nombreuses peintures de Louise Moillon déploient cette sérénité singulière. L’artiste décline le motif des fruits, notamment les cerises, les prunes, les fraises ou encore les abricots. Chacune de ses tables servies présente ces mets avec une harmonie semblable à celle de sa Coupe de cerises, prunes et melon. Sa Nature morte aux mûres avec des abricots, peint en 1641 et conservé au musée des Augustins de Toulouse, détient notamment cette puissance chromatique additionnée à l’équilibre de la composition. 

La marchande de fruits et légumes, peint par Louise Moillon (1630), conservé au Musée du Louvre à Paris © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau
La marchande de fruits et légumes, peint par Louise Moillon (1630), conservé au Musée du Louvre à Paris © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau

Certaines de ses œuvres se veulent plus ambitieuses, à l’instar de La Marchande de fruits et de légumes, peint en 1630 et conservé au musée du Louvre, où elle peint deux figures humaines. Ainsi, Louise Moillon inclut ses fruits dans la vie quotidienne et ouvre sa peinture à la scène de genre. À nouveau, pour cette œuvre, l’artiste puise son inspiration dans la peinture hollandaise du XVIe siècle où les tableaux de marchés connaissent une large popularité. Toutefois, notons que Louise Moillon ne peint pas ses figures avec autant d’aisance que ses fruits. Les deux femmes sont dépeintes maladroitement, avec une rigidité qui les distingue des fruits près d’elles. 

Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l'exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy
Coupe de cerises, prune et melons, peint par Louise Moillon (vers 1633), conservé au Musée du Louvre, photographie prise lors de l’exposition Les Choses en novembre 2022 © Troian Leroy

La réception au XXIe siècle

L’œuvre est aujourd’hui exposée dans l’aile Richelieu du musée du Louvre, avec les peintures françaises du XVIIe siècle. Elle est également apparue dans l’une des grandes expositions temporaires de l’institution parisienne : Les Choses, une histoire de la nature morte, conçue par Laurence Bertrand Dorléac. L’huile sur bois y figurait aux côtés de chefs-d’œuvre de Lubin Baugin, de Juan Sánchez Cotán, ou encore de Clara Peeters. La peinture de Louise Moillon s’inclut parfaitement dans le propos de l’exposition, qui présente un très large panorama d’œuvres représentant des choses, ces éléments immortalisés par les artistes. Louise Moillon détient elle aussi ce don de rendre les choses vivantes, et de souligner leur charme, leur symbole et leur authenticité.

Bibliographie.

Site internet du musée du Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010066853

Site internet du musée du Louvre : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010066267

Dominique Alsina. Louyse Moillon, vers 1610-1696 : la nature morte au Grand Siècle, catalogue raisonné. Editions Faton, 2009.

Alain Mérot. La peinture française au XVIIe siècle. Editions Gallimard, 1994.

Eric Coatalem et Florence Thiéblot. La nature morte française au XVIIe siècle : 17th century still-life painting in France. Éditions Faton, 2014.

Laurence Bertrand Dorléac et Laurence Des Cars. Les choses : une histoire de la nature morte. Louvre éditions, 2022. 

Nicolas Milovanovic. Catalogue des peintures françaises du XVIIe siècle du Musée du Louvre. Editions Gallimard et Louvre éditions, 2021.